La ferme d’Esclaye est spécialisée dans l’élevage de vaches laitières. La ferme pratique également une agriculture biologique. Des 125 ha de l’exploitation, 10 pour cent des terres sont des prairies classées “de haute valeur biologique” et totalisent huit kilomètres de haies et de bandes boisées le long des champs et pâtures. Un projet-pilote y a été réalisé pour améliorer le bien-être des animaux en instaurant une nouvelle pratique d’élevage des veaux.

Ferme familiale et agriculture biologique

La ferme d’Esclaye, située à Pondrôme dans la Province de Namur, est en activité depuis 1929. Dès le début des années 2000, la famille Henin, propriétaire des lieux, a réalisé une conversion en agriculture biologique. Depuis, la ferme s’inscrit dans une démarche alliant performance agronomique, qualité des produits, bien-être animal et respect de la biodiversité.

Afin de proposer des produits de qualité en circuit-court, la famille produit du beurre et des fromages à pâte dure au lait cru avec le lait de leur troupeau de 85 têtes. La collaboration familiale a permis de développer un atelier de transformation du lait sans pasteurisation.

Les vaches sont nourries à l’herbe : elles pâturent durant sept à huit mois par an et en hiver sont nourries exclusivement de foin, de fourrage et de légumineuses produits sur les terres de la ferme. Le seul complément consiste en des céréales produites à la ferme ainsi que des tourteaux de lin et tournesol.

Une expérience pilote pour le bien-être des animaux

Dans une ferme laitière traditionnelle, pour maximiser la production de lait de l’exploitation, les veaux sont généralement séparés de leur mère quelques heures après leur naissance. Ils sont ensuite nourris avec du lait en poudre dans des cages individuelles. À 14 jours, les veaux mâles — improductifs dans une ferme laitière — sont vendus tandis que la moitié des veaux femelles restent à la ferme pour devenir des vaches laitières deux ans plus tard.

Pour aller plus loin dans le bien-être de leurs animaux, les agriculteurs de la ferme d’Esclaye envisagent de ne plus séparer les veaux de leur mère tout en maintenant les vaches à la traite. Ce faisant, la mère ne subit plus le traumatisme de la séparation avec son nouveau-né. Le manque à gagner qu’induit la consommation du lait par les veaux est compensé par les avantages potentiels sur l’environnement et pour l’éleveur.

Une expérience-pilote avec cinq vaches Holstein et leurs veaux a débuté en mars 2020. Elle vise entre autres à mettre en évidence la compensation de la perte financière par les effets positifs sur le bien-être animal, sur l’environnement et la biodiversité ainsi que sur la qualité de vie de l’éleveur. Les résultats de l’étude serviront de base à une étude scientifique ultérieure à plus grande échelle.

Un grand nombre de données variées seront recueillies en cours d’expérience. Elles seront étudiées en partenariat avec Nature et Progrès et pourront être utilisées par des centres de recherche et des universités. Des recherches complémentaires pourraient être initiées dans le domaine de l’élevage laitier. Avec l’aide des agronomes, le secteur de l’élevage aurait ainsi l’occasion de montrer qu’il est possible d’évoluer vers des techniques visant à faire cohabiter consommation raisonnée et bien-être animal.

Des bénéfices pour l’éleveur et l’environnement

En matière d’environnement et de gestion de la biodiversité, l’élevage des veaux au pis multiplie ses bienfaits lorsqu’il est couplé à des vêlages printaniers. Traditionnellement, les vêlages sont répartis toute l’année, afin de produire du lait de manière continue pour l’industrie laitière. Cela impose une alimentation de haute qualité tout l’hiver et donc une gestion intensive des pâturages.  

En revanche, lorsque les vaches vêlent au printemps, elles profitent de l’herbe la plus grasse de l’année pour nourrir leur veau tout en produisant du lait en suffisance pour la traite. L’idée est de synchroniser les phases de lactation à la qualité de l’alimentation disponible au sein même de la ferme.

Ainsi, les veaux sont sevrés à la fin de l’automne et passent l’hiver avec un fourrage grossier, pouvant être fauché plus tard. Ce fourrage, issu d’une gestion plus extensive des pâturages, autorise une composition plus diversifiée d’espèces herbagères et génère un meilleur bilan carbone. La qualité de vie des éleveurs devrait également s’améliorer à terme, les heures de travail étant réduites durant les courtes journées d’hiver et les fauches pouvant être réalisées de manières plus sereines suivant la météo.

L’objectif à très long terme est de pouvoir appliquer cette pratique d’élevage à l’ensemble du troupeau. En attendant, comme les veaux pourraient consommer jusqu’à 50% de la production de lait, le manque à gagner doit être compensé. QiGreen a donc accepté de financer les risques économiques pris par les éleveurs lors de l’expérience ainsi que la rédaction d’un article et d’une brochure à destination du grand public et du secteur agricole.